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Texte de Pierre-Alexandre Caron
Service de la recherche et de la défense des services publics

Les conséquences néfastes des mesures d’austérité sur les services publics rendus à la population québécoise sont connues[1]. À ce qu’on dit, ces impacts négatifs seraient toutefois nécessaires et temporaires afin de mettre de l’ordre dans les finances publiques et favoriser la croissance économique ainsi que la création d’emploi. La qualité des emplois et l’augmentation des revenus de l’État dues à cette croissance devraient plus que compenser l’impact de ces mesures de « rigueur budgétaire ». C’est en tout cas le discours que tiennent les gouvernements successifs depuis plus de 15 ans.

Qu’en est-il vraiment? Est-ce que la course au « déficit zéro » et à la réduction de la dette a vraiment été bénéfique pour l’économie du Québec? Une étude de l’IRIS, réalisée par Raphaël Langevin et Emanuel Guay, portant sur les 15 années du régime libéral conclut que non. La bonne performance économique du Québec serait plutôt due à la bonne performance de l’économie ontarienne et à une augmentation des investissements publics et privés depuis 2016. Les chercheurs parviennent à cette conclusion après avoir mesuré l’impact de mesures néolibérales clés, comme l’augmentation du solde budgétaire, depuis 2003.

Cycle « austéritaire » (néo) libéral
Une politique d’austérité est une politique économique qui vise l’atteinte de l’équilibre budgétaire (déficit zéro) par diverses mesures de réduction des dépenses publiques et d’augmentation de certains impôts. Au Québec, la politique d’austérité libérale a été plus drastique encore puisque les hausses d’impôts sont considérées comme néfastes pour l’économie. On a donc eu droit à des coupures draconiennes dans les dépenses de programmes, d’autant plus que le gouvernement a aussi diminué les impôts pendant cette période.

Le cycle budgétaire (néo) libéral s’est résumé ainsi :

  • Coupes dans les services publics;
  • Dégradation de la qualité de ceux-ci;
  • Surplus budgétaire;
  • Mécontentement de la population quant à la qualité des services et menace de tarification/privatisation de ceux-ci;
  • Baisse d’impôt;
  • Manque de revenus pour financer les services (et on recommence).

L’objectif est de créer un « cercle vertueux » en diminuant les dépenses publiques pour laisser plus de place aux entreprises privées et à la consommation privée, jugées naturellement plus efficaces. Les entreprises investiraient donc plus, augmenteraient leur productivité et stimuleraient l’économie. Selon cette vision néolibérale — non vérifiée par les données empiriques —, les dépenses publiques auraient un « effet d’éviction » sur les investissements privés. Davantage de dépenses publiques signifieraient que le gouvernement aurait pris cet argent quelque part dans les poches des entreprises qui en auraient donc moins pour investir.

Ainsi les mesures de réduction des dépenses publiques, de baisses d’impôts aux particuliers et aux entreprises, d’augmentation des taxes indirectes comme la TPS et la TVQ pour remplacer l’impôt progressif sont toutes présentées comme stimulantes pour l’économie du Québec.

Si la théorie économique dominante est d’accord avec ce discours, ce n’est pourtant pas ce que démontrent les études empiriques. Cela ne fait pas non plus l’objet d’un consensus parmi les théoriciens de l’économie, même ceux d’institutions comme le Fonds monétaire international (FMI) et l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE).

Selon les résultats de Langevin et Guay, aucun impact économique positif n’est engendré par les mesures d’austérité, c’est même plutôt l’inverse. Il s’agit plutôt d’une recette gagnante pour faire porter le poids des coupures aux personnes qui profitent le plus des services publics : les femmes, les personnes âgées et les personnes gagnant de petits salaires.

Méthodologie de l’IRIS
Pour parvenir à analyser l’impact de diverses mesures typiquement néolibérales sur l’économie québécoise, les auteurs utilisent une méthodologie bien établie basée sur un modèle économétrique de type « vecteur autorégressif structurel » (SVAR)[2]. Les données utilisées sont celles des 15 dernières années, elles débutent au premier mandat de Jean Charest en 2003.

Ce modèle permet de mesurer l’effet d’un choc (une augmentation ou une diminution) appliqué à une variable indépendante sur un groupe de variables dépendantes. Par exemple, l’impact d’une augmentation des dépenses publiques d’investissement sur la croissance du PIB québécois ou sur les heures travaillées.

RÉSULTATS
Impacts sur l’économie québécoise
Langevin et Guay parviennent à des résultats forts intéressants qui contredisent le discours des ministres des Finances des 20 dernières années.

Dépenses publiques
D’abord, la réduction des dépenses publiques a eu un effet négatif sur la croissance. En effet, si celles-ci avaient augmenté plutôt que diminué l’économie du Québec se serait mieux portée. Plus particulièrement, une hausse de 1 % des dépenses publiques d’investissement aurait entraîné une hausse du PIB de 0,04 % et une hausse des investissements privés et du revenu disponible de 0,12 %.

Ceci signifie qu’au Québec il n’y a pas d’« effet d’éviction » des investissements privés dû aux investissements publics. On constate plutôt un « effet d’entraînement » : les dépenses publiques entraînent des investissements privés. Les auteurs expliquent ces résultats « par l’effet dépressif que créent les restrictions budgétaires sur le climat économique québécois, effet qui pousse les entreprises privées à ne pas prendre de risques et à ne pas investir davantage afin de combler les baisses de dépenses publiques d’investissement. [3]»

Impôt des particuliers
Ensuite, les auteurs mesurent l’impact d’une augmentation de l’impôt des particuliers sur l’économie québécoise. Il en résulte qu’une telle hausse d’impôts augmente la croissance économique et le revenu disponible. Ce résultat, qui contredit carrément le discours économique dominant, est expliqué par le caractère « redistributif » et progressif de l’impôt au Québec. Plus les revenus sont distribués de manière égalitaire, plus on permet à des personnes d’obtenir un salaire suffisant pour participer plus activement et avec productivité à la société et plus on stimule la croissance[4].

Inversement, l’augmentation des impôts indirects (comme la TVQ) a un impact négatif sur l’économie puisque ce genre de taxe touche plus sévèrement les personnes à faible revenu et augmente les inégalités économiques. En effet, les impôts indirects sont souvent des taxes régressives qui ne tiennent pas compte du revenu des individus.

Impôt des entreprises
Le rapport de l’IRIS conclut également qu’une hausse du taux d’imposition des entreprises aurait un impact négatif sur la croissance, les investissements et le revenu disponible, mais pas d’effet sur les heures travaillées. Toutefois, une hausse des subventions n’engendre pas l’effet contraire, c’est-à-dire que l’effet est « asymétrique » : les subventions affectent peu les investissements privés et négativement les heures travaillées. Notons que depuis 2003, les subventions aux entreprises ont presque toujours été plus élevées que le montant prélevé en impôts.

Impacts sur le service de la dette
Puisque les impacts des politiques d’austérité sur l’économie sont négatifs, les auteurs ont voulu tester si leur impact sur le service de la dette était au moins positif. Ils ont déterminé qu’à long terme, une amélioration du solde budgétaire n’a pas d’impact sur les paiements au service de la dette. Un meilleur solde budgétaire diminue les paiements à court terme seulement puisque les politiques de restrictions budgétaires ont un impact négatif sur la croissance à long terme, comme démontré plus tôt.

L’élément déterminant pour le service de la dette est plutôt le taux d’intérêt auquel peut emprunter le gouvernement. Ce taux est directement influencé par le taux directeur fixé par la Banque du Canada. Le rapport conclut effectivement qu’une augmentation du taux directeur aurait des effets importants à long terme sur les paiements de la dette.

Conclusion
Le ministre des Finances, Carlos Leitao, peut bien justifier la bonne tenue actuelle de l’économie québécoise par les politiques de « rigueur budgétaire » que son gouvernement a mises en place. Par contre, s’il faut en croire l’étude de l’IRIS, l’austérité libérale a plutôt nui à l’économie, c’est-à-dire que les choses iraient encore mieux si on n’avait pas coupé dans les services publics et diminué les investissements au début du dernier mandat.

[1] Voir la compilation réalisée par l’IRIS : https://austerite.iris-recherche.qc.ca/

[2] Voir la section 3 du rapport pour plus de détails.

[3] p.35

[4] Berg,Ostry et Zettelmeyer, [cité par Langevin et Guay] «What makes growth sustained?», Journal of Development Economics, juillet 2012, p. 149-166.

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