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Texte par Danie Blais
Service des communications du SFPQ

(Crédits photo de la une : Francis Bouchard)

Au large des côtes de l’Atlantique, la mer froide hurle sa fureur, et son cri pétrifiant résonne sur les falaises sombres et chaotiques du continent où aucun humain n’ose s’aventurer, même pas pour un selfie qui recueillerait tellement trop de Like. Avec toute la nonchalance qu’on leur connaît, les morses, eux, installés sur leur grosse roche glissante, observent paisiblement le spectacle en beuglant comme des pépères jamais contents. Un phylactère bien placé leur prêterait sans doute ces mots : « Hé, les chochottes, ça s’ra pas encore facile aujourd’hui de trouver d’la bouffe[1]… » En effet. Pas facile ce sera... Mais tous les morses du monde n’ont pas cette préoccupation : incursion dans le quotidien de Lakina et Balzak, les deux « petits » bébés morses dorlotés, cajolés, bichonnés et chouchoutés de l’Aquarium du Québec.

Pour les humains, il est difficile, sinon très rigolo, d’imaginer le rituel amoureux des morses : Monsieur pouvant peser jusqu’à 1 800 kg (3 968 livres) et Madame jusqu’à 800 (1 763 lbs[2]), l’accomplissement requiert sans doute beaucoup de patience et de « doigté »[3], et ce, au cœur de leur habitat naturel. Imaginez alors sous l’œil curieux des biologistes et visiteurs de l’Aquarium du Québec… Les morses ont donc l’habitude de se garder une p’tite gêne, comme on dit. Or, l’amour étant parfois aveugle, cette année, elle a su porter les fruits d’Arnaliaq[4] et de Boris et de Samka et aussi de Boris[5] : Lakina et Balzak[6]. Ces « petites » merveilles de la nature sont nées en mai 2016, affichant 50 kg sur la balance pour la femelle et 66 kg pour le mâle.

olyane Dumont, Samka et Balzak

L'Aquarium du Québec a été le premier au Canada à réaliser avec succès la reproduction de deux morses en milieu zoologique. Sur la photo, on voit Jolyane Dumont qui est guide animalière en mammifères marins à l'Aquarium, Samka et Balzak. Crédits photo : Kléo Carrier.

Moins de cinq mois plus tard (octobre), le poids de Lakina est de 135 kg et celui de Balzak 171. Les veaux vont bien : le lait maternel est parfaitement nutritif. Composé à 60 % d’eau, le lait de la femelle morse contient 30 % de matières grasses et entre 5 et 10 % de protéines. Que du bonheur pour des bébés en pleine croissance. Évidemment, l’importante prise de poids, qui traumatiserait plus d’une humaine, est sans doute due aux neuf litres quotidiens qu’ingurgitent Lakina et Balzak. La guide animalière en mammifères marins de l’Aquarium du Québec Jolyane Dumont raconte que les bébés boiront du lait pendant encore une année et demie où ils franchiront le cap des 200 kg. « En ce qui a trait à l’alimentation, nous n’avons pas pour l’instant à intervenir, car les mères s’en occupent très bien et l’allaitement se déroule à merveille (pour des vidéos!). Vers l’âge de huit mois, nous pourrons commencer tranquillement l’introduction de solide, comme des crevettes, des moules et des petits poissons », précise-t-elle.

Le morse de l’Atlantique est en péril.

Experts
Les personnes qui s’occupent des morses à l’Aquarium du Québec ont une formation en biologie, soit une technique, soit des études universitaires ou une technique en santé animale ou, encore, de l’expérience dans le domaine. Ils sont donc fort compétents et essentiels à la bonne santé physique et mentale de leurs adorables petites bêtes à nageoires.

L’école des morses
Puisque les mamans prennent soin de l’alimentation de leurs progénitures, les guides animaliers en mammifères marins de l’Aquarium du Québec prennent en charge et leur hygiène et leur éducation. Jolyane raconte : « Quand on est près d’eux, on les habitue à différentes choses. Par exemple, à se faire toucher le dos, le ventre et les nageoires. Et on leur donne aussi très souvent des jouets, par exemple : une grosse banquise en plastique - ils aiment beaucoup d'ailleurs monter dessus; des ‘boomerballs’ (ballons durs en plastique, de différentes grosseurs); des bouées; des grosses bobines en plastique; des bidons dans lesquels, plus tard, on pourra leur cacher de la nourriture; des gros cubes en plastique complets ou troués; et des jouets comme ceux donnés aux chiens (petits haltères, petit pneu, etc.). »

Fierté
À la question : « Qu’apporte à votre croissance personnelle cette connexion singulière avec les bébés morses? », Jolyane a répondu, tout en sourire : « Étant donné que c’est la première fois qu’on assiste à un évènement de la sorte, on apprend différentes choses au niveau de la croissance de l’animal et de son comportement. On récolte beaucoup de données qu’on va pouvoir partager par la suite. » Elle ajoute : « Nous sommes fiers, car, depuis plusieurs années, nous observons attentivement nos morses afin d’en apprendre le maximum sur cette espèce malheureusement en danger. Nous les entraînons aussi et, intelligents comme ils sont, ils ont appris au fil des ans différents comportements comme, par exemple, se tourner, se faire toucher le ventre et même avoir une échographie. Nos efforts ont porté leurs fruits, car étant préparés, nous avons pu avoir un meilleur suivi de la gestation des femelles : la mise bas s’est très bien déroulée. Les mères sont en santé et nous avons maintenant deux magnifiques bébés. Je trouve que nous sommes extrêmement chanceux. Nous ne pouvions demander rien de mieux comme scénario. La naissance de bébés morses en institution zoologique est un évènement très rare. D’ailleurs, nous sommes aussi contents, car nous avons dernièrement reçu un prix de l’AZAC (Aquariums et Zoos accrédités du Canada). Il s’agit du prix Colonel D.G. Dailley qui récompense les réalisations des programmes de propagation et de gestion dans les collections d’animaux d’un établissement. Toute une fierté pour notre équipe qui a été la première au Canada à reproduire avec succès des morses en milieu zoologique! » Que dire de plus?

Lakina et Arnaliaq.

Lakina et Arnaliaq. Crédits photo : Ninja Média.

Jolyane Dumont, qu'est-ce qui vous passionne à travailler à l'Aquarium?
« Le contact privilégié qu’on a avec les animaux. Ils sont superbes, que ce soient les morses, les ours, les renards, les oiseaux de proie, les phoques. On est très chanceux de les côtoyer jour après jour. On adore les animaux avec lesquels on travaille. Ce qu’on aime aussi, c’est de pouvoir partager notre passion avec les visiteurs. Sensibiliser aussi les gens à l’environnement est quelque chose qui nous tient énormément à cœur », d’expliquer Jolyane Dumont, guide animalière en mammifères marins de l’Aquarium du Québec.

Sur la photo : Balzak. Crédits photo : Kléo Carrier.

Pour les voir de plus près (tout plein de vidéos!) : https://www.aquariumduquebec.com

La planète n’héberge plus que 20 000 morses de l’Atlantique.

En péril
Le morse nage habituellement à 7 km/h. Or, s’il performe comme lorsqu’il est poursuivi par un de ses prédateurs, il peut nager jusqu’à 35 km/h. Difficile de l’attraper. C’est sur la terre qu’il est vulnérable. Gros comme il est, pourvu seulement de nageoires, le morse se dodeline vraiment trop lentement des braconniers à l’affût de son ivoire ou, tout simplement, de sa graisse.

Bien que le commerce de l’ivoire soit réglementé par la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction, ce qui signifie notamment que l’ivoire de morse ne doit provenir que de la chasse faite par les autochtones, le braconnage existe toujours. Malheureusement, dans ce monde régi par le capitalisme, les scélérats ne peuvent résister à l’appât du gain que peuvent rapporter les quelque cinq kilos d’ivoire des défenses des morses : 1 kg peut valoir 700 $ sur le marché (ensanglanté) noir.

Selon le gouvernement du Canada, le morse de l’Atlantique est en péril. Pourquoi? Citons le site Web de Pêches et Océans Canada : « La chasse est la grande responsable de la disparition des morses dans le nord-ouest de l’Atlantique. La pollution de l’eau peut également représenter un risque puisqu’il est possible que les toxines se retrouvent dans leurs organes, provoquant leur mort prématurée. Les déversements de pétrole ont également eu des effets néfastes, mais on ne saurait l’évaluer de façon précise.

Les morses sont très sensibles aux autres perturbations environnementales causées par l’homme. Les bateaux et les avions volant à basse altitude les effraient et déclenchent une panique générale; dans la mêlée qui s’ensuit, des morses se retrouvant au centre de la meute peuvent mourir écrasés dans le mouvement de fuite de leurs congénères. Le bruit des navires sous l’eau est considéré comme une sérieuse perturbation et pourrait avoir un impact sur leurs communications entre eux. La perte de leur source alimentaire et leurs prédateurs naturels que sont les orques, les requins et les hommes peuvent également avoir des répercussions négatives sur la population. »

Au Canada, le morse de l’Atlantique est donc un animal chassé, mais cette chasse est régie par le gouvernement. Dans le Plan de gestion intégrée des pêches du morse de l'Atlantique (Odobenus rosmarus rosmarus) dans la région du Nunavut, on peut lire : « Le morse de l'Atlantique est chassé principalement par les Inuits. Il représente pour eux une source traditionnelle de nourriture et d'autres produits. Cette chasse permet de préserver les traditions culturelles et, pour les chasseurs expérimentés, de transmettre leurs habiletés et leur savoir aux jeunes générations. Les produits du morse constituent une deuxième source de revenus pour les chasseurs, car l'ivoire est vendu à l'état brut, ou transformé en de magnifiques œuvres d'art, comme des bijoux ou des sculptures. »

Plus loin dans le Plan, on retient ceci : Le morse est une source traditionnelle de nourriture et fournit d'autres matériaux essentiels au quotidien des Inuits depuis des siècles. La chair du morse sert le plus souvent à nourrir les chiens, mais elle est également consommée par les Inuits sous sa forme crue, cuite ou fermentée (igunak). Depuis toujours, les produits du morse fournissent des articles réservés à de nombreux usages de la vie arctique : par exemple, les os du morse servent à la fabrication de sculptures, de poteaux de tente et de cannes, l'ivoire de ses défenses sert à la fabrication de harpons, de boutons en bâtonnet, de poignées et d'œuvres artisanales, la babiche est utilisée comme fil à coudre et sa peau permet de fabriquer des tentes et du cordage. Dans certaines collectivités, la chasse sportive du morse procure une importante source de revenus grâce à l'embauche de guides locaux et aux achats de biens et de services des chasseurs sportifs (nourriture, artisanat et hébergement). Ces derniers sont autorisés à garder les défenses, l'os pénien (baculum) et la tête du morse, mais la chair doit demeurer au sein de la collectivité pour être consommée par ses membres. »

Il faut continuer de protéger le morse de l’Atlantique, qui a, lui aussi, une place importante dans la chaîne alimentaire du nord des océans, tout comme dans les traditions canadiennes. Il fait partie de son Histoire. Grâce à des gens de talents et de passion de la fonction parapublique du Québec comme Jolyane Dumont et ses collègues de l’Aquarium du Québec, les scientifiques de la planète apprendront à mieux connaître le morse pour ainsi l’empêcher de disparaître à tout jamais.

 

[1] Les morses raffolent des palourdes; ils peuvent en manger 400 par jour.

[2] Le poids d’un morse de l’Atlantique diffère de celui du morse du Pacifique. Du côté de l’Atlantique, Monsieur pèse environ 900 kg et Madame 560; du côté du Pacifique, Monsieur peut afficher jusqu’à 1 800 kg sur la balance et Madame une moyenne de 800. On est plus lourd dans le Pacifique.

[3] Les canines ou défenses des mâles peuvent atteindre un mètre et leur circonférence varie entre 16 et 20 cm.

[4] Pour préciser : Arnaliaq est de l’Atlantique, alors que Samka et Boris sont du Pacifique.

[5] Les mâles morses alpha ont un harem composé d’une vingtaine de femelles.

[6] Les prénoms des morses n’ont pas de ressemblances sonores, car les employés de l’Aquarium ne veulent pas qu’ils se retournent tous lorsqu’un prénom est prononcé. Exemple : Pitou, Minou, Grisou, Pinou, Milou, etc.

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2020-06-03

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